Casta maty bijoux

L’art du cochon

Et comment j'aimerais que l'être humain s'indigne

[ndlr1 : article remanié et remis au goût du jour]

Tout un chacun adore flâner dans la rue et, animaux que nous sommes, adorons nous extasier lors d’un passage devant un abribus pour contempler la dernière affiche vantant les mérites du parfum incroyable de machin truc ou de la crème bidule complètement testée avec efficacité prouvée les premiers dimanche du mois. Si si, vous vous extasiez. Surtout vous, messieurs. Parce que y’a une nana à poil, ou presque.

Aujourd’hui (et cet article remonte à mai 2013) je vais vous parler de l’affiche MATY (mais c’est applicable à une pléthore d’affiches, et j’oserai faire une généralité en parlant de toutes les marques de bijoux), réputée maison de joailleries à portée de toutes les bourses (je suis vraiment bien trop marrant), qui a décidé de prendre pour égérie Madame Casta comme ambassadrice de ses breloques rutilantes. Casta, la sœur hein. On avait pas le budget pour Laetitia (mais c’est peut-être volontaire, parce que Maty est relativement premier prix. Who knows ?).

Pour tout le monde cette affiche montre le produit, y’a de la meuf, tout va bien. C’est pas comme si elle était à gerber la pepette non plus, on va pas faire la fine gueule. Vous vous en doutez (déjà parce que je fais un article dessus) mais y’a un truc de pourri dans le royaume MATY. Pour vous faciliter le travail cognitif (et afin de ne pas perdre trop de lecteurs) je vais un moment essayer de mettre en scène le tout avec des personnages sympathiques et crédibles : Georges sera monsieur Maty (oui, ils ont décidé de tout à plusieurs, mais c’est pour l’exemple bordel arrêtez de m’interrompre on va jamais s’en sortir), Tic et Tac seront nos deux publicitaires ayant pondu cette merveille, et les cons ce sera vous. Comme dans la vrai vie. Simple je vous avais dit.

Georges a besoin d’une pub pour une occasion random. Fête des mères, de la femme, de la morue, tout ira bien tant qu’on peut booster un peu les ventes pendant une période creuse ou justement pendant une période propice à l’achat de cadeaux pour emballer (de la morue). Si on peut en profiter pour vendre son dernier modèle hideux que personne n’achète c’est mieux (oui je m’avance un peu sur ce point car c’est sans doute leur best seller [ce qui me ferait vraiment marrer car leur truc est franchement moche] mais c’est pour la beauté de la rhétorique, merde). Georges va donc s’adresser à une dream team de professionnels, une équipe de choc capable de produire de magnifiques choses. Tic et Tac répondent : n’étant pas la moitié d’un duo, ils vont produire une bouse à bas prix pour se faire un max de beurre derrière. Oui, Tic et Tac ont des goûts de luxe. Et emballer un client c’est un peu leur métier à la base quand même, hein.

Tic et Tac proposent d’utiliser une approche simple et qui a déjà fait vachement ses preuves : celle d’utiliser un ‘prescripteur’. En gros, un couillon reconnu par les cons (oui, c’est de vous qu’on parle ! Vous voyez, c’était facile !) pour un facteur de reconnaissance lambda (ici, on connaît Casta. Enfin, en 2013, et on se souvient du nom. Vous saviez qu’elle avait une soeur, vous ?). Je vous fais un exemple : si Zidane vous dit que la paire de baskets (ou de lunettes, haha) Dashit est trop bien, vos aurez tendance à le croire. Parce que même si sa calvitie l’a prédisposé à coller des coups de boule, à la base il savait mieux utiliser ses pieds, donc des pompes. Passons.

Tic et Tac se sont peut-être cassés le cul à trouver un truc top trop classe en concept (ou alors ils sont d’excellents publicistes et sont passés directement à la case « essaie pas d’innover Roger »)… mais Georges s’en bat les steaks. Grave. Georges il veut du résultat. Il cherche un truc pas trop « osé », qui demande pas à faire fonctionner trop les neurones, qui plaise, et qui va pas mettre sa boîte (ou celle de ses actionnaires) dans une position inconfortable. On cherche pas à révolutionner le monde de la publicité (en plus, avec aucun budget), on n’est pas Orangina qui a tourné un inconvénient (la pulpe) en argument cool (faut secouer) ni Kiss Cool avec ses bestioles poilues qui par leur simple sympathie redresseront une compagnie qui partait vers la faillite. Non. On veut un truc que tout le monde oubliera, mais avec une image suffisamment belle et avec un timing précis (oublie pas, c’est la fête des morues, et les morues ça oublie pas les dates. Non, j’extrapole pas en parlant de ma mémoire infaillible des dates).

Les morues, ça oublie pas les dates.

Tic et Tac, s’ils sont pro (et ils le sont sûrement : c’est quand même des Rangers du risque, bordel) auront sûrement directement proposé une bouse (on appelle ça « l’expérience » mon gars). Et sur ce point, je ne peux pas leur en vouloir. Après des années à se casser le cul avec des Georges et leur jungle, je peux comprendre qu’un peu de lassitude s’installe (ex-pé-rience on avait dit). Surtout que Georges, il veut un Graal mais il n’est pas prêt à payer la croisade hein : il estime que les Rangers sont des « artistes », donc avoir des idées parfaites du premier coup c’est leur taf (et ça c’est gratuit et pas du tout pour parler de mon travail).

Casta maty bijoux

Marie-Ange est donc collée en méga gros plan sur la photo. Le jeu est joué à fond : on a payé pour son nom (parce que personne retient son prénom. D’ailleurs je vous ai déjà demandé si vous connaissiez la soeur ?), elle a des traits de ressemblance, on la rentabilise MERDE.

Je passerai sur les automatismes publicitaires tel que le regard porté au loin qui va doucement vers le logo (histoire de BIEN comprendre que l’énorme logo ROUGE sur une affiche bichromie est Maty hein), ainsi que le côté photo noir et blanc pour « raconter une histoire » ou faire appel au passé (qui était forcément mieux avant).Regarder à droite connote aussi le futur, et en se recoiffant on offre un joli espace blanc pour le contraste, le A du Maty fait écho à la forme du visage… OUI BON ya des points positifs à la composition hein, mais on n’est pas venus pour ça. Ce qui permet à Tic et Tac d’avoir un autre méga argument de vente pour leur affiche, je vous le résume comme ça :

  • « Hey Tac j’ai une super idée ! »
  • « Laquelle Tic ? J’espère que tu vas pas me reparler de la taille de tes noisettes sinon j’te latte la gueule. »
  • « Non non promis ! Imagine on met la photo en noir et blanc, hein… et les seuls trucs colorés sont le logo et le produit. Genre contraste de saturation. »
  • « … comme ça… mais OUI BIEN SUR ! Comme ça ce con de Georges il va voir à MORT son gros logo de merde, et sa grosse bague dégeulasse ! Tic, tu es un génie ! »
  • « …Je t’aime, Tac. Tire sur mon doigt. »

Maintenant devant nos deux génies du mal se dressait un autre problème qui s’est résolu d’une manière absolument fantastique : Georges a besoin de voir Marie-Ange en GROS, avec son logo en GROS… mais il a absolument envie qu’on montre son PRODUIT, et forcément, en GROS. On le comprend Georges, il met de l’argent pour vendre son produit, ce serait bien si on le voyait un minimum et le coup de la couleur / pas couleur c’est bien mais c’est pas assez. Sauf qu’avec le gros plan de Tic et Tac, c’est un peu compliqué de mettre en GRAND le produit sans tomber dans le ridicule. Mettre la bague sur une table et la casta le visage collé contre ? Bof. Mordre la bague ? Mwais ça a déjà été fait…

Non, la dream team fait plus fort : elle fait rentrer le produit dans le champs en mimant maladroitement une scène… de la vie… courante ? A part se passer de la pommade antifongique j’ai rarement vu quelqu’un faire ce mouvement de main (tout en se recoiffant). Niveau naturel on repassera (cela reste un tacle gentil : regardez n’importe quel magazine de mode, et admirez la pose des mannequins avec leurs sacs.)

Le vrai point négatif sur lequel on arrive est cette omniprésence crade qui consiste à faire s’entrouvrir la bouche d’un mannequin dès que l’on peut. Et au lendemain d’un #meetoo c’est d’autant plus valable que de tacler cette habitude ancrée dans le monde des publicistes comme dans celui des annonceurs. Le sexe fait vendre, que ce soit une voiture (on se souvient des pubs Audi, histoire de bien montrer la femme sous un angle vénale) ou un pull (magique).

Et Maty comme bien d’autres tombe dans cette facilité en offrant un message secondaire bien puant. En publicité la bouche est symbole de désir, la bouche ouverte est une variante plus forte : c’est la bouche qui « donne » le plaisir, via un baiser (ou un pull). Mais s’essuyer la commissure des lèvres avec ce regard interrogateur, la bague bien en évidence, on est dans l’image parfaite de la bague pour acheter du sexe. Et ça passe crème.

Je veux la même moustache.

La société Maty n’est pas la seule à utiliser ces codes. Les bijoux sont, dans leur business en particulier, souvent offerts en cadeaux. Et la femme a la place qu’on lui donne : un objet qui nous doit reconnaissance, surtout si on y « met » de l’argent. La femme est un « investissement » ou une « machine à sous » qui nous devient redevable.

En cet an de grâce 2019 nous sommes encore loin d’avoir aboli tous ces clichés qui contribuent à faire passer les hommes pour des machines ayant besoin de dominer, et les femmes pour des objets. Ce combat est générationnel… et j’espère que les voix qui s’élèveront, notamment sur les réseaux sociaux, permettront aux publicistes et aux annonceurs de faire gaffe à ce qu’ils publieront. Parce que je crois qu’en gueulant et en attaquant leur ventes, cette banalisation du sexe cessera.

Enfin… je l’espère sincèrement, et le jour où j’aurais un moyen de vraiment impacter leur ventes, je vous le ferai savoir. Et en attendant, indignez-vous aussi de ces banalisations.

  • « Tac, je me sens un peu mal quand même, de faire que des publicités où on fait croire qu’offrir un bijou te donne droit à te faire sucer. »
  • « C’est notre métier, Tic. Pense pas trop fort, tu risquerais de te blesser. »

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